5 août 2010

-Lacenaire-

"Après une certaine série d'étude de ce genre, j'ai crus pouvoir conclure qu'une fois que l'on connaissait bien le coeur d'un homme, on pouvait à peu pres les juger tous sur la meme echelle. Cela était vrai, en un certain sens, mais bientot je me détrompais, et une longue experience m'a appris que ses replis sont inhombrables, et qu'il y a toujours de nouvelles découvertes à y faire. J'ai la prétention de croire que peu d'hommes sont arrivés à une connaissance aussi profonde en ce genre. Je me suis bien rarement trompé dans mes appréciations. En ais-je été plus heureux? Hélas! Cette science déssèche le coeur; malheur à celui qui s'y adonne! C'est un fer rouge qui brule qui y porte la main. Cette connaissance funeste qui m'a appris à mépriser et presque détester l'humanité. Homme, est ce de ma faute si je vous ais vus tel que vous etes? Est ce ma faute si j'ai vu partout l'interret personel se couvrir du manteau de l'interret social, l'indifférence se cacher dérière l'amitié et le dévouement, la méchanceté et l'envie de nuire, se décorer du beau nom de la vertu et de la religion? Tout enfant que j'étais, cette connaissance flétrit mon ame; je me mis à penser que je serais bien à plaindre, bien malheureux, si un jour je venais à avoir besoin de ces hommes que je voyais egoistes, si insensibles à tout ce qui n'est pas eux; je compris, moi qui aurais placé tout mon bonheur à aimer et etre aimer, que je jouerais un role de dupe, si je travaillais à étouffer de ma propre main ma sensibilité"

P.F LACENAIRE, Mémoires