Si le délinquant n'existe qu'en se déplaçant, s'il a pour spécificité de vivre non en marge mais dans les interstices des codes qu'il déjoue et déplace, s'il se caractérise par le privilège du parcours sur l'état, le récit est délinquant. La délinquance sociale consisterait à prendre le récit à la lettre, à en faire le principe de l'existence physique là ou une société n'offre plus d'issues symboliques et d'expectations d'espaces à des sujets ou à des groupes, là ou il n'y a plus d'autre alternative que le rangement disciplinaire et la dérive illégale, c'est à dire une forme ou l'autre de prison et l'errance au dehors. A l'inverse, le récit est une délinquance en réserve, maintenue, elle meme déplacée pourtant et compatible, dans les sociétés traditionnelles (antique, médiévales, etc...), avec un ordre fermement établi mais assez souple pour laisser proliférer cette mobilité contestatrice, irrespectueuse des lieux, tour à tour joueuse et menaçante, qui s'étend des formes microbiennes de la narration quotidienne jusqu'aux manifestations carnavalesques d'antan.
Tombé dessus par hasard,
Michel De Certeau
L'invention du quotidien
1.Art de faire
Chapitre IX, récit d'éspace
-Délinquance?-